this is my life.
« Kelsey est né!
_ C'est bon, tu nous as déjà fais le coup une fois …
_ Non, non: il est vraiment né !
_ Me prends pas pour une tarte, je sais qu'on est le premier avril.
_ Mais … »

Et ce fut sur cette petite touche humoristique que le jeune Anglo-coréen vit le jour un premier avril. Date significative qui, d'ores et déjà, reflétait à merveille le caractère de l'adorable petit bébé qui pleurait avec ardeur entre les bras de sa mère. Cette dernière n'avait jamais voulu d'un enfant, celui-ci était une « conspiration » comme elle se plaisait à le dire – et c'était vrai, son cher et tendre mari n'avait pas hésité une seconde avant de remplacer ses pilules contraceptives par d'autres médicaments quelconques qu'elle pensait être ses cachets habituel, la rendant enceinte malgré elle. La vieille femme avait posé un regard dédaigneux sur l'échographie de son propre enfant, regardant d'un air quasiment dégouté le petit être qui se formait dans le creux de son ventre. Et le remord avec la culpabilité tiraillaient le creux de ses entrailles alors qu'elle tenait dans ses bras la chair et le sang de l'amour qu'elle portait à son mari: cet enfant, elle ne l'aimait pas.
C'était un bien triste commencement pour un enfant au caractère si joyeux, a à peine douze mois, l'adorable petit commençait déjà à marcher, balançant son corps d'avant en arrière, tentant vainement de mettre un pied devant l'autre, afin de rejoindre en courant les genoux de sa mère qui n'avait jamais daigné poser ses yeux une fois sur lui. Malgré tout, son enfance fut calme et sans encombres. Il souffrait évidemment d'un manque maternel, mais l'omniprésence de son père réussit à combler ce manque, Abby – tel était le nom de sa femme – n'avait rien d'une parfaite épouse, elle ne savait ni faire la cuisine, ni coudre, ni repasser, et le ménage n'était pas non plus sa tasse de thé. Elle faisait peu dans la délicatesse et dans la douceur … Kelsey avait beaucoup plus l'impression d'être issu de deux pères plutôt que d'un couple mixte. Et en y réfléchissant bien, c'était peut-être cette absence de féminité qui finit par le rendre comme il est. Oui, gay. Tout petit, il a toujours eu tendance à se rapprocher des filles en premier, intrigué par leurs gestes, leurs visages et leur innocence pure qui ne s'affichait pas sur le visage de sa génitrice. Et, peu à peu, il a commencé à échangé ses cadeaux à noël, troquant son uniforme d'indien et ses pistolets contre les trousses à maquillage de sa voisine et ses barbies. Autant dire que cela ne plaisait pas à la dite mère qui commençait à voir en son fils – âgé de cinq ans à peine – une future « tafiolle » en devenir. C'est avec encore plus de mépris et de dédain qu'elle éleva son fils, décidant de prendre les choses en main, et l'inscrivant dans une école exclusivement masculine et ce depuis sa primaire. Croyant l'endurcir, elle usa même du fouet sur lui, maltraitant son petit corps afin qu'il reste dans le droit chemin et ne s'égare pas. L'effet fut inversé, le jeune homme éprouva une intense révulsion vis-à-vis de toute cette dureté et ce manque de douceur. Il acheta alors en cachette ( pas si cachette que cela ) des revues à tendance pornographique, les laissant dans un endroit caché mais pas assez pour que sa mère tombe dessus. Pensant alors que son fils était enfin devenu celui qu'elle voulait qu'il soit, elle le laissa tranquille. Ne se rendant pas réellement compte qu'en réalité, le jeune homme de l'autre côté de la porte n'était qu'un leurre pour ne pas abîmer son corps. Souvent, il sortait avec des filles, les embrassait sous les yeux de sa mère, et ne se gênait même pas à l'idée de faire du bruit lorsqu'il osait l'emmener dans sa chambre. Tout cela pour cette femme qu'il aimait. Il s'était forcé, il avait réellement voulu être l'homme hétérosexuel qu'elle voulait qu'il soit, mais cela ne marchait pas. Même la bisexualité était fausse. Il était entièrement gay, et ce fut qu'une fois qu'il déménagea à Séoul avec sa petite sœur qu'il put enfin clamer haut et fort sa préférence sexuelle. Il la revendique, même. Et il vous le dira souvent. Les filles, c'est pour la nuit, les garçons, c'est pour la vie.