DING DONG. J'attends quelques minutes et la porte s'ouvre. J'entre, et je pose mon sac dans l'entrée avant de sauter dans les bras de mon père. « tu m'as manqué. » Il me répond que lui aussi. Le sourire aux lèvres, j'hume la bonne odeur qui se fait sentir dans toute la maison. Je ferme les yeux et je me dirige tel un zombie, les bras en avant vers la cuisine. Normal après tout, je connais les pièces de cette maison par cœur. Quand je ressens enfin la chaleur du corps que je cherchais, j'ouvre les yeux et je prend cette personne dans mes bras, mon second père. Il me demande comment je vais dans sa tenue de cuisinier. « mieux depuis que je suis là. » Comme d'habitude, j'arrive juste à l'heure pour le repas. Il ne me reste plus qu'à m'installer à table, qui est déjà mise. Ici, je me suis toujours senti comme une petite princesse. J'ai toujours eu le sentiment d'être la personne la plus importante à leur yeux, ce qui doit être vrai. Pendant le repas, je les regarde tout les deux. Je suis vraiment fière de ma famille, de ce qu'ils sont et de ce qu'ils m'ont fait devenir. Mes pères; ce sont les deux hommes de ma vie. Et sans doute les seuls à vrai dire. Oui je sais, seul l'un deux est mon père biologique. Et je dois avoir une mère qui traine aussi quelque part. Mais pour être franche, je m'en fiche un peu. Ce sont ces deux hommes qui m'ont élevé, qui ont subvenu mes besoins, qui m'ont toujours écouté et cajolé. Liens du sang ou pas, je crois toujours que les liens du cœur sont les plus forts. Pour moi, c'est eux ma famille, et personne d'autre. Je les aime d'autant plus que je sais par quoi ils sont passés. C'est déjà dur dans la société actuelle de s'afficher avec une sexualité différente, alors quand ce genre de personne décide en plus d'élever un enfant, ils sont partout montrer du doigt. Ils ont du se battre pour m'avoir. Et je suis fière d'eux.

Pendant le repas, on parle de tout et de rien. Mais surtout de rien. J'énumère mes dernières conquêtes. Ils rigolent en me disant de faire attention. Je sais qu'ils espèrent qu'un jour je me case. Mais le moment, je n'ai trouvé personne qui en vaille le coup. Alors je papillonne, je teste, j'expérimente. Je sais que quand le temps sera venu, je trouverais la bonne personne. Et je trouve qu'il n'y a rien de mal à s'amuser un peu. Nos ventres bien plats, on cours s'installer sur le canapé, laissant tout sur la table. Entre mes deux papas, je me sens comme protégée. Ils prétextent ne pas m'avoir vu depuis longtemps pour regarder des photos. Pfff. Des fois, j'ai l'impression d'avoir deux mamans. L'une des premières photos nous montre tout les trois. Je suis dans les bras d'un de mes papas, tout bébé. Ils ont vraiment l'air heureux là-dessus. Et quand je les vois aujourd'hui, ils ont toujours ce même sourire sur les lèvres. « j'aime cette photo. » Et voilà qu'ils m'embrassent. Quand j'étais petite, je ne comprenais pas ma situation si spéciale, mais je savais que j'étais différente. A l'école, c'était toujours les mamans qui venaient cherchaient leurs enfants. Moi, ça a toujours été l'un de mes papas. Mais pour moi, c'était normal de vivre comme ça. Je pensais juste que c'était leur nounous tout simplement. En grandissant, j'ai compris. Et même si c'était des fois dur de vivre comme ça, simplement à cause du regard des autres, je n'ai jamais cessé d'être heureuse. Au fil des années, j'ai su m'affirmer et aujourd'hui, je n'ai aucun mal à avouer que j'ai deux pères gays. J'en suis même fière.

Les pages défilent. Je ne me rappelais plus qu'il y avait autant de photos de moi bébé. Mais c'est toujours un plaisir de nous voir tous ensemble. Mon doigt se pose alors sur une photo. Sur l'image, on peut me voir à l'âge de huit ans dans un parc avec une petite fille du même âge. Elle. Cette fille, je m'en rappellerais toute ma vie je crois. « c'était ma première. » Levant les yeux au ciel, mes deux pères s'exaspèrent à me dire que je leur ai déjà dit mille fois. Oui c'est vrai. Mais comme toute fille, la première personne dont on tombe amoureux est sans doute la plus importante, encore plus pour une lesbienne. C'est à partir de ce jour-là, quand je l'ai rencontré, que j'ai su que j'aimais les filles. J'ai donc fait mon coming-out à huit ans. Je suis une lesbienne pure et dure. Et ça ne risque pas de changer. Beaucoup de personnes me demande si ma sexualité inhabituelle peut être dû à l'absence de mère dans ma vie. Et bien je me le demande aussi. Peut-être que ce manque de féminité m'a tellement manqué que j'en suis tombé amoureuse, allez savoir. Quoique, en terme de féminité, mes pères excellent en la matière. Enfin, surtout un. Alors je ne sais pas trop. Bref. L'après-midi est passée drôlement vite, et il est déjà tant pour moi de partir pour aller travailler. Ça me déchire le cœur. Et le leur aussi. Mais je repasserais lundi prochain, comme chaque semaine.